Bonjour,
L’objectif de ce post, qui risque d’être un peu long, mais dont la lecture n’est pas obligatoire, est de comprendre comment apparat la fameuse loi en 1/d2, comment elle s’applique et quel en est le sens physique. Nous verrons ensuite quelles en sont les limites raisonnables d’utilisation lorsque la distance diminue.
J’aborderai ce problème sous l’angle de la mesure, étant entendu que les résultats sont généralisables à d’autres aspects
Considérons pour simplifier une source ponctuelle de 1000 Bq émettant 1 photon par désintégration (intensité =100 %).
Nous plaçons maintenant un détecteur de surface S à la distance d de cette source, et nous souhaitons savoir combien de photon le détecteur sera susceptible de voir arriver sur sa surface.
Le raisonnement est assez simple :
Il faut commencer par tracer une sphère centrée sur la source et de rayon d
La source émet pendant 1 seconde N=1000 photons. Ces 1000 photons vont traverser la surface de la sphère. Ce simple constat permet de calculer alors le nombre de photons incident par cm2 sur cette sphère, ce que l’on appelle encore la fluence
Il suffit de se rappeler que la surface de la sphère est égale à Ssphère=4:pi: d2
(
soit au passage exactement 4 fois la surface du disque inscrit. Cette propriété étrange si l’on y réfléchit à été démontré par Archimède, qui n’a pas qu’inventé la baignoire. Sur le plan mathématique, ce fut un véritable tour de force. Certains mathématicien actuels avouent qu’ils seraient incapable de reproduire cela, sans utiliser le calcul différentiel)On en déduit la fluence photon : Phi=N/4:pi: d2 (C’est aussi le débit de fluence puisque nous avons raisonné sur 1 seconde d’émission)
Application numérique :Considérons une distance d=10 cm. La surface de la sphère est alors égale à 1256 cm2 (et mine de rien ça fait pas mal de cm2 pour une sphère de petit diamètre). Ce qui nous fait en gros 0,8 photons incidents par cm2 par seconde à la distance d=10 cm
Si l’on vient coller le détecteur de surface S à la sphère, et si cette surface est suffisamment petite devant les dimensions de la sphère (
où l’on comprend donc qu’il y a ici une approximation , et toute approximation a ses limites), alors le détecteur voit arriver sur sa surface cette fluence
.
Notons qu’en soit cette fluence est une grandeur assez abstraite, dite en physique
grandeur intensive. Plus prosaïquement le détecteur est impacté par N’=PHI *Sdet photons , ce nombre étant une
grandeur extensiveRelation que l’on peut écrire par : N’=N *(Sdét/4:pi: d2)
Ou l’on voit que la quantité Sdet/4:pi: d2 est égale à N’/N, c'est-à-dire la proportion de photons atteignant le détecteur (
certains le traverseront, mais c'est une autre histoire) rapporté au nombre total de photons émis. Ce que l’on appelle en mesure nucléaire le
rendement géométrique Rgéo, ou encore fraction d’angle solide (ça fait plus savant)
Application numérique.Si la surface du détecteur est égale à 1 cm2 (on pourrai prendre 5 cm2, nous arriverions aux même conclusions, c’est juste pour simplifier), le détecteur ne voit arriver que 0,8 photons sur 1000, soit un rendement géométrique Rgéo.=0,08 %. On comprend alors que ce rendement géométrique est un paramètre important en mesure, et qui chute très rapidement même avec des distances assez faibles. C’est pour cette raison que très souvent on se met au plus près de la source, voire au contact (sans avoir des comptages infinis)
Et justement, nous allons voir ce qui se passe l’on se met avec notre détecteur à une faible distance de la source, comme par exemple d=1 mm
Si l’on tient le même raisonnement, c'est-à-dire si l’on tient à utiliser la loi en 1/d2, on peut calculer la fluence incidente sur la petite sphère
Pour cela comme précédemment on calcule la surface de la sphère : Ssphère=4pi(0,1)2=0,12 cm2.
C’est à partir de ce moment là que les problèmes apparaissent :
En divisant les 1000 photons émis par cette sphère qui n’a pas le début de 1 cm2, on obtient 8000 photons incident par cm2. C’est la multiplication des petits pains. A 70 µm de distance (utilisé par certains pour faire des calculs de débit de dose bêta), on a 1,6E6 (plus de 1 million) photons incident par cm2. Avec au départ toujours 1000 photons émis
Où est le problème ?
Le problème est qu’à cette distance seule une toute petite partie du détecteur est réellement situé à une aussi faible distance :
Pour continuer à appliquer la loi en 1 /d2, il faudrait que le détecteur ait une dimension assez faible devant cette nouvelle sphère de 0,1 mm de rayon, soit par exemple un détecteur de rayon de 0,01 mm, correspondant à une surface microscopique de 0,03 mm2 (0,0003 cm2 !!)
Avec un tel détecteur, et malgré une fluence aussi monstrueuse, un tel détecteur ne verrait passer en 1 seconde guère que N’=Phi*Sdet=8000*0,0003= 2,5 photons par seconde (
où le miracle de la multiplication des petits pain cesse de faire illusion)Les métrologues seraient content de devoir utiliser un tel détecteur pour pouvoir se placer à faible distance dans le seul but de pouvoir encore utiliser la loi en 1/d2.
S’ils veulent faire un calcul plus réaliste pour calculer leur rendement géométrique avec leur détecteur de 1 cm2 (c’est déjà pas un gros truc, un détecteur de 0,5 cm de rayon), ils doivent utiliser la formule exacte de l’angle solide dans cette configuration, formule valable pour toute valeur de d, même d=0 !
Le rendement géométrique à 1 mm est alors simplement égal à Rgéo.=41 %
Au contact, d=0, on obtient Rgéo.=50 %
Ce qui signifie que le détecteur voit arriver 500 photons sur les 1000 émis. Ce qui colle avec l'intuition. Bien entendu, si l’on y regarde de près, chaque éléments de la surface du détecteur ne voit pas en moyenne la même fluence. Mais le signal résultant est en quelque sorte naturellement moyenné sur toute la surface. Il y a effectivement un effet
« point chaud » au droit de la source, mais cet effet point chaud ne concerne qu’une infime partie du détecteur.
Dans l’expression d’une dose (kerma, dose, ED etc..,) on utilise aussi la grandeur « fluence », et l’on écrit D=k*
, avec k un coefficient fluence-dose.
Si l’on applique cette relation à de faibles distances en calculant la fluence sur la petite sphère, on arrive à des fluences monstrueuses, et donc des doses à frémir. Mais même si l’effet « point chaud « est réel (jusqu’à un certain niveau), la dose que l’on calcule alors ne concerne que quelques µm3. Et même très élevée, il est inutile d’alerter le corps médical ou d’appeler le prêtre. C’est un peu comme si en vous touchant le plus délicatement possible la peau avec le bout d’une aiguille chauffé au rouge, vous vous précipitiez aussitôt à l’hôpital des grands brulés, alors que vous n’auriez ressenti qu’un léger picotement (j’ai dit le bout d’une aiguille, pas un fer à repasser).
C’est pour éviter cet effet point chaud sur des surfaces non significatives que la CIPR limite la dose « point chaud » (500 mSv), même au contact,
sur une surface minimale de 1 cm2. le point chaud sur 0,1 mm2 si la source est au contact est ainsi moyenné avec le reste du cm2 .
Donc le calcul peut et doit être mené en considérant un "dosimètre" virtuel de 1 cm2. On notera que même en prenant une surface de 1 mm2, le rendement géométrique sera toujours de 50 % au contact.
Je donnerai ultérieurement le résultat de l’exercice que j’avais proposé. Ce post est déjà assez long.
Et vous pouvez aussi essayer de mener le calcul à la main en utilisant la méthode exposée ici.
la morale de cette histoire est qu'il faut manier avec un minimum de prudence les grandeurs intensives que sont ici la fluence et la dose. On peut en effet leur faire dire n'importe quoi si on les perçoit comme des grandeurs extensives. Et il est facile de faire du sensationnalisme avec cela :
La masse volumique des noyaux qui nous constitué est de l'ordre de 200 millions de tonnes par cm3 : on devrait tous être au fond de nos godasses avec un tel poids
Les lasers femtosecondes ont parfois des puissances crètes de 5 GW, plus qu'une centrale nucléaire : on peut donc les imaginer avec un réacteur nucléaire au cul
Encore une utilisation intellectuellement malhonnête d'une grandeur intensive : supposons que vous ayez 50 Bq de Pu 9 déposé sur 100 cm2, soit 0,5 Bq/cm2. Soit plus que les fameux 0,4 Bq/cm2. Deux solutions s'offrent à vous :
- vous décontaminez
- Vous étalez les 50 Bq sur 200 cm2, et vous passez à 0,25 Bq/cm2. Imparable. Cherchez l'erreur
Bon dimanche
Gluonmou